Christophe Leguevaques Avocat barreau Paris-Toulouse
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La prise d’acte de rupture : gare au départ impulsif de l’entreprise!




 
Au sujet des décisions de la Cour de cassation, Chambre sociale du 26 mars 2014 (N° de pourvoi 12-21372,N° de pourvoi 12-35040 : N° de pourvoi 12-23634).
 
Dans une série de trois arrêts datant du 26 mars 2014, la chambre sociale de la cour de cassation a précisé le régime de la prise d’acte. Rappelons tout d’abord que la prise d’acte est une voie autonome de rupture permettant au salarié de se retirer définitivement de l’entreprise dans laquelle il travaille en cas de manquement grave de son employeur.

Dans ces arrêts destinés à une publication au bulletin, les magistrats de la chambre sociale ont souhaité clarifier le régime de la prise d’acte de rupture, en précisant les circonstances dans lesquelles elle pouvait intervenir sans être analysée comme une démission de la part du salarié.

La cour de cassation, même si elle a repris dans ses trois arrêts le manquement grave de l’employeur, rattache désormais le régime de la prise d’acte à celui de la faute grave disciplinaire de l’article 1243-1 du code du travail.

En effet, elle se refusait jusqu’à lors à toute référence claire à la notion de faute grave, elle ne peut plus désormais renier la symétrie de la faute grave que peut commettre le salarié et encourir la sanction disciplinaire. La Haute Juridiction décide « que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ». La faute de l’employeur est donc désormais à n’en plus douter celle qui fait obstacle à la poursuite de la relation contractuelle de travail.

Cette nouvelle conception de la faute de l’employeur n’est pas sans conséquence sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail. Elle doit désormais répondre à une nouvelle exigence.
Le salarié doit quitter l’entreprise dans un délai relativement court. Dans les trois espèces, la relation contractuelle s’est poursuivie durant des mois sans que le salarié concerné ne décide de mettre un terme définitif à sa présence au sein de l’entreprise. Désormais, les magistrats de la cour de cassation exigent une réponse rapide de la part du salarié qui ne doit pas trop tergiverser.

Cela est tout à fait logique car la prise d’acte de rupture est une voie de rupture exceptionnelle qui ne doit intervenir que dans le cas où le manquement de l’employeur ne permet plus la continuation de la relation contractuelle de travail, il ne saurait par conséquence permis au salarié à chaque fois qu’il souhaite rompre son contrat d’invoquer des faits anciens et qui n’ont, de fait, pas constitués un obstacle à la présence du salarié au sein de son entreprise.

Il faut également souligner que les arrêts en présence ne sont pas anecdotiques et concernent le manquement à une obligation sécurité de résultat de l’employeur pour l’une des espèces. Alors qu’auparavant, la Cour de cassation reconnaissait la faculté au salarié de se délier définitivement de ses obligations contractuelles lorsque le manquement de l’employeur avait trait à la santé et la sécurité du salarié, même lorsque les circonstances étaient manifestement extérieures à la volonté de ce dernier, désormais même dans une telle hypothèse, une visite de reprise non effectuée en l’espèce, les Hauts Magistrats attendent une réponse prompte de la part du salarié.

Celui-ci doit en effet quitter immédiatement l’entreprise et adresser à son employeur les griefs liés à ses manquements. Il est également à supposer, par un rapprochement avec le régime de la faute grave et donc du licenciement disciplinaire, que la volonté du salarié quant au fait de constater la rupture aux torts de l’employeur doit être claire et non équivoque. Il devient difficilement envisageable qu’un salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat, qui effectue ensuite son préavis « par acquis de conscience » ne puisse plus être reconnu dans son droit de retrait définitif. Un tel retrait s’analysera nécessairement comme une démission à ses torts ouvrant un droit d’indemnisation pour l’employeur pour brusque rupture.

Loin de se perdre dans sa construction jurisprudentielle, la chambre sociale par ses trois arrêts importants recadre le régime de la prise d’acte de rupture du contrat de travail qui ne peut intervenir que sous deux conditions : un manquement suffisamment grave de la part de l’employeur (une modification unilatérale du contrat de travail par exemple), et une réplique rapide si ce n’est immédiate de la part du salarié qui doit quitter l’entreprise avec l’intention de ne plus y retourner.

Amine Flissi, stagiaire Droit et RH




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Christophe Lèguevaques


Avocat au barreau de Paris - Docteur en droit


PARIS

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Christophe Lèguevaques est membre-fondateur de METIS-AVOCATS AARPII - Association d’Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle Inter-barreaux


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