Christophe Leguevaques Avocat barreau Paris-Toulouse
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable

Une ordonnance de rectification d’erreur matérielle ne peut pas modifier sensiblement les droits reconnus à un créancier


Par ordonnance et sans respecter les principes essentiels de procédure civile, particulièrement le principe du contradictoire visé par l'article 6 du Code de procédure de Polynésie française, le juge-commissaire a prétendu rectifier une erreur matérielle concernant l'état des créances de la liquidation judiciaire de l'EURL.

Toutefois, cette ordonnance modifie sensiblement les droits reconnus à la société créancière, dont l'admission définitive de la créance avait été prononcée.

Sous la justification d'une prétendue erreur matérielle, le juge-commissaire, par l'ordonnance déférée, a, en réalité, modifié le fond de sa décision sans avoir appelé ni entendu la société créancière.

L'ordonnance déférée doit donc être annulée.



Cour d'appel de Papeete (Chambre commerciale) 17 Février 2011
SNC Armag Invest c./  Monsieur Pascal VERCIER, liquidateur judiciaire de la Société Tahiti Island Pêche, L'Eurl Tahiti Island Pêche, représentée par son gérant : M. Eric MARTINATTI
JurisData : 2011-008197
 
Entre :
 
La Société Armag Invest, société en nom collectif au capital de 9 187 840 euros dont le siège social est situé [...], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nantes sous le n° 431 788 710, prise en la personne de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;
 
Appelante par requête en date du 23 juin 2009, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 25 juin 2009, sous le numéro de rôle 336/COM/09, ensuite d'un ordonnance n° 211 du Juge commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete rendue le 8 décembre 2008 ;
 
Représentée par : Me Marie-Josée LEOU, avocat au barreau de Papeete et Me Christophe LEGUEVAQUES, avocat au barreau de Paris ;
 
d'une part ;
 
Et :
 
1 - Monsieur Pascal VERCIER, liquidateur judiciaire de la Société Tahiti Island Pêche, de nationalité française, demeurant [...] ;
 
Ayant conclu ;
 
2 - L'Eurl Tahiti Island Pêche, sarl au capital de 1 000 000 FCP, immatriculée Rcs de Papeete sous le n° 8533 B et sous le n° Tahiti 606 475, ayant son siège social à [...], représentée par son gérant : M. Eric MARTINATTI, né le 23 décembre 1956 à Nice, de nationalité française, demeurant [...] ;
 
Représenté par Me Jean-Charles BARMONT, avocat au barreau de Papeete ;
 
Intimés ;
 
d'autre part ;
 
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 6 janvier 2011, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mme LASSUS-IGNACIO et M. RIPOLL, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
 
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
 
A R R E T,
 
FAITS - PROCEDURE - DEMANDES DES PARTIES :
 
Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs de l'ordonnance entreprise du 8 décembre 2008, auxquels la Cour se réfère expressément ;
 
Vu la requête d'appel de la société en nom collectif ARMAG INVEST, visée le 25 juin 2009, portant constitution de Maîtres LEOU et JOURDAINNE, ainsi que de Me LEGUEVAQUES, avocats, concernant l'ordonnance rendue le 8 décembre 2008 par laquelle le juge commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete, au vu de l'état des créances de la liquidation judiciaire de l'Eurl TAHITI ISLAND PECHE, a par ordonnance modificative, arrêté comme suit l'état des créances de cette société :
 
- à titre privilégié : 16 572 196 FCP,
 
- à titre chirographaire : 256 177 742 FCP, - à titre de rejet : 114 202 969 FCP,
 
- à titre d'instance en cours : 79 116 945 FCP ;
 
Vu l'assignation devant la Cour d'Appel délivrée les 2 et 6 juillet 2009 à la requête de la société ARMAG INVEST à M. Pascal VERCIER, es qualité de liquidateur judiciaire de la société TAHITI ISLAND PECHE, et à l'Eurl TAHITI ISLAND PECHE, portant signification de la requête d'appel visée le 25 juin 2009 ;
 
Vu la constitution de Me BARMONT, avocat, pour le compte de l'Eurl TAHITI ISLAND PECHE ;
 
Vu, en leurs moyens, les conclusions d'appel des parties aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la Cour :
 
La Société ARMAG INVEST, appelante, de :
 
- A TITRE PRINCIPAL
 
* constater que Monsieur le Juge-Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete en rendant le 8 décembre 2008 son ordonnance n° 211, a méconnu les principes essentiels de procédure civile, particulièrement le principe du contradictoire,
 
* constater que Monsieur le Juge-Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete en rendant le 8 décembre 2008 son ordonnance n° 211, a excédé ses pouvoirs,
 
* EN CONSEQUENCE,
 
* Annuler l'ordonnance n° 211 rendue le 8 décembre 2008 par Monsieur le Juge-Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete,
 
- A TITRE SUBSIDIAIRE si par extraordinaire, la Cour de céans ne procédait pas à l'annulation de l'ordonnance n° 211 rendue le 8 décembre 2008 par Monsieur le Juge-Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete,
 
* Infirmer en toutes ses dispositions, l'ordonnance n° 211 rendue le 8 décembre 2008 par Monsieur le Juge-Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete,
 
* Ce faisant,
 
* Constater l'admission définitive à hauteur de 79 116 945 FCP, à titre privilégié, de la créance de la SNC ARMAG INVEST, laquelle figure au n° 13 de l'état de créances de L'Eurl TAHITI ISLAND PECHE, et a été régulièrement produite au passif de cette dernière le 30 mars 2006,
 
* Condamner l'Eurl TAHITI ISLAND PECHE et M. VERCIER, es qualités à payer :
 
- une amende civile dont le montant sera fixé par la Cour d'Appel,
 
- des dommages et intérêts pour procédure ab usive d'un montant de 1 193 318 FCP correspondant à la contre-valeur de 10.000 EUROS,
 
- des frais irrépétibles d'un montant de 1 193 318 FCP correspondant à la contre-valeur de 10 000 Euros en application des dispositions de l'article 407 du code local de procédure civile, au profit de la SNC ARMAG INVEST,
 
- les entiers dépens de la procédure étant précisé que ces sommes seront déclarées privilégiées dans le cadre de la procédure collective.
 
L'Eurl TAHITI ISLAND PECHE et M. Pascal VERCIER, liquidateur judiciaire de la société TAHITI ISLAND PECHE, intimés,
 
de confirmer l'ordonnance déférée ;
 
Vu l'ordonnance de clôture du 3 décembre 2011 ;
 
MOTIFS DE LA DECISION :
 
Attendu qu'en rendant, le 8 décembre 2008 son ordonnance n° 211, Monsieur le Juge-Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete, qui fait référence dans sa décision à une erreur matérielle concernant l'état des créances de la liquidation judiciaire de l'Eurl TAHITI ISLAND PECHE et notamment la créance n° 13 de la SNC ARMAG INVEST, a excédé ses pouvoirs et méconnu les principes essentiels de procédure civile, particulièrement le principe du contradictoire ;
 
Attendu qu'à cet égard l'article 6 du code de procédure de Polynésie française dispose que :
 
'Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. Elle pourra solliciter le concours gratuit d'un interprête assermenté si elle ne maîtrise pas parfaitement la langue française.
 
Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
 
Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
 
Il ne peut retenir dans sa décision que les moyens, les explications, les documents invoqués ou produits dont les parties ont été à même d'en débattre contradictoirement.
 
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.'

 
Que, par ailleurs, l'article 271 du même code précise que :
 
'Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées pr la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
 
Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ;
 
il peut aussi se saisir d'office.
 
Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées'.

 
Attendu qu'il est constant que Monsieur le Juge-Commissaire n'a ni entendu, ni même appelé la société ARMAG INVEST avant de rendre son ordonnance n° 211 en date du 8 décembre 2008 laquelle remet en cause l'admission définitive de la créance déclarée le 30 mars 2006 par la société ARMAG INVEST et justifie de la porter au rang des créances faisant l'objet d'ne instance en cours en évoquant une soi-diant erreur matérielle.
 
Que, ce faisant, sans même avoir entendu, ni même appelé la SNC ARMANG INVEST, Monsieur le Juge-Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete a modifié l'état des créances, pourtant définitif lui aussi, de l'Eurl TAHITI ISLAND PECHE.
 
Attendu qu'au surplus il convient de rappeler que le caractère matériel de l'erreur ou de l'omission empêche toute attente au principe même de la décision du juge, et qu'en l'espèce l'ordonnance entreprise modifie sensiblement les droits reconnus de manière définitive à la société ARMAG INVEST, en ce que la créance de cette société avait été admise en juin 2007 par ordonnance arrêtant l'état des créances, et était définitive, et que le Juge-Commissaire, par l'ordonnance déférée, sous la justification d'une prétendue erreur matérielle, a, en réalité, modifié le fond de sa décision ;
 
Attendu qu'il s'ensuit que l'ordonnance entreprise est en voie d'annulation ; Qu'il n'apparaît pas que la responsabilité civile du liquidateur puisse être retenue, la preuve d'un quelconque préjudice ni celle du lien de causalité avec la faute n'étant pas rapportée ; que, dés lors toute demande en ce sens sera rejetée ;
 
Attendu que l'équité commande d'allouer à la société ARMAG INVEST, la somme de 200 000 FCP par application de l'article 407 du code de procédure civile local, pour les frais non compris dans les dépens engagés en cause d'appel.
 

PAR CES MOTIFS,
 
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
 
Déclare la société en non collectif ARMAG INVEST recevable et bien fondée en son appel ;
 
En conséquence ;
 
Vu les articles 6 et 271 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
 
Annule l'ordonnance n° 211 rendue le 8 décembre 2008 par Monsieur le Juge Commissaire au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete :
 
Rejette toutes autres demandes ;
 
Condamne l'Eurl TAHITI ISLAND PECHE et M. Pascal VERCIER, liquidateur judiciaire de cette société à payer à la SNC ARMANG INVEST la somme de DEUX CENT MILLE (200 000) FRANCS PACIFIQUE par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
 
Condamne les mêmes aux entiers dépens, qui seront employés en frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
 
Prononcé à Papeete, le 17 février 2011
 

Le Greffier, Le Président,
 
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. THIBAULT-LAURENT


 




Lextenso | Livres | Notes & études | Jurisprudence | Plaidoirie | Tribunes libres



Suivez-nous
LinkedIn
Viadeo
Slideshare
Twitter
Facebook
Rss
Skype
paper.li


Inscription à la newsletter
 
ombre

Christophe Lèguevaques


Avocat au barreau de Paris - Docteur en droit


PARIS

82 rue d’Hauteville - 75010 Paris
Métro 8/9 Bonne Nouvelle


TOULOUSE

76 allées Jean-Jaurès - 31000 Toulouse
Métro Jean-Jaurès ou Marengo


Christophe Lèguevaques est membre-fondateur de METIS-AVOCATS AARPII - Association d’Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle Inter-barreaux


Tél. +33 (0)5 62 30 91 52


Fax. +33 (0)5 61 22 43 80