Christophe Leguevaques Avocat barreau Paris-Toulouse
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LINKY : la fabrique de consentement


Nous reproduisons avec leur autorisation la lettre ouverte de Pièces et Mains d'oeuvres (http://www.piecesetmaindoeuvre.com/) qui se définit ainsi : "Pièces et Main d’Oeuvre, atelier de bricolage pour la construction d’un esprit critique à Grenoble, agit depuis l’automne 2000 de diverses manières : enquêtes, manifestations, réunions, livres, tracts, affiches, brochures, interventions médiatiques et sur Internet, etc. "



Réponse à une non invitation

Pourquoi nous n'irons pas à la table ronde de l'Assemblée nationale
sur les compteurs #Linky à laquelle nous ne sommes pas conviés

Depuis deux ans, une révolte inédite enfle en France. Partout éclate le refus des compteurs communicants, à la surprise des technocrates qui avaient tout planifié. Des centaines de collectifs, des dizaines de milliers de tracts et de signatures sur des pétitions, des manifestations, interventions en conseil municipal, actions en justice, réunions publiques, ateliers de bricolage pour empêcher la pose des mouchards connectés (Linky, Gazpar, eau).

Au début, ils ont envoyé les directeurs régionaux d'Enedis (nous, c'était M. Masset – il n'est plus là, nous si) ou, dans les cas graves, la directrice nationale de la communication, Gladys Larose. Peine perdue. Ils ont tenté la persuasion – « la pédagogie » - puis la ruse et l'intimidation, les menaces, le harcèlement, la violence. Peine perdue.

Le 22 novembre 2017, quatre collectifs « tirés au sort » (sic) reçoivent ce mail d'une administratrice de la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale :

“Bonjour,
Je vous contacte au sujet de tables rondes sur les compteurs intelligents Linky et Gazpar organisées à l'Assemblée nationale, conjointement par la commission des affaires économiques et par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le 14 décembre 2017 au matin. Une des tables rondes vise à faire état des différents travaux réalisés ces dernières années sur les effets sanitaires des compteurs intelligents. Elle cherche également à comprendre la persistance d'un fort mouvement d'opposition à Linky au nom de la santé du citoyen. Les parlementaires souhaiteraient la présence d'un représentant du collectif Stop ! Linky à cette table ronde, si vous en êtes d'accord. Y participeraient également Enedis, l'Anses ainsi qu'un sociologue. Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire.

Bien cordialement,
Mathilde Bouchardon”

Un coup de fil à l'Assemblée nationale plus tard, il se confirme qu'un « représentant » du mouvement anti-Linky est convié à la seule table ronde portant sur les aspects sanitaires, tandis que d'autres réunions sont prévues sur le modèle économique et sur la protection des données. La vanité humaine étant ce qu'elle est, peut-être les députés arriveront-ils à engluer un « interlocuteur » heureux de se dévouer en se mettant en avant. Ce ne sera pas nous.


Madame Bouchardon,

Merci, mais non merci. Nous ne participerons pas à la table ronde à laquelle vous ne nous avez pas conviés. Si des parlementaires s'interrogent soudain sur les raisons de notre refus, qu'ils lisent les dizaines de textes, enquêtes, tracts et communiqués rédigés depuis deux ans par les habitants de leurs « territoires », comme ils disent, et qu'ils étaient censés écouter et représenter.
Ce n'est pas faute d'avoir rabâché que nous voulions rester maîtres de nos vies, que nous n'accepterions pas le transfert de notre libre arbitre à des machines. Vos prétendues garanties d'innocuité des dispositifs techniques et de confidentialité des données pillées ne rendront jamais les compteurs communicants compatibles avec une vie libre et humaine. Ni « smart city » ni « dématérialisation », nous voulons un monde avec contact. Si les parlementaires avaient voulu comprendre notre refus, ils auraient pu nous parler en face, dans chaque circonscription, où nous manifestons depuis deux ans. Vos tables rondes tardives et parcellaires sont vaines et indécentes.

Naturellement, ce ne sont pas nos raisons qui intéressent l'Assemblée nationale, comme vous l'écrivez vous-même. L'Etat s'inquiète de la « persistance d'un fort mouvement d'opposition » et espère qu'un sociologue, à l'écoute d'un « représentant » des opposants, saura cartographier notre opposition afin d'élaborer les éléments de langage pour contrer nos arguments. Nous ne sommes pas si stupides que nous l'instruisions nous-mêmes des ressorts de notre mouvement, de sa dynamique et de son ampleur.
Les sociologues de l'acceptabilité, nous les connaissons autant qu'ils nous connaissent. Nous savons leur axiome : « Faire participer pour faire accepter ». Le coup du « débat » une fois les décisions imposées, Madame Bouchardon, on nous l'a déjà fait. Nous nous souvenons du nucléaire, des OGM, des nanotechnologies. Jamais les élus et décideurs ne cherchent à nous rencontrer avant de bouleverser notre monde et nos conditions de vie.
Gardez vos sociologues, vos « procédures de dialogue avec le peuple » et votre mépris. Nous nous exprimons quant à nous sans pare-feux et nos voisins nous comprennent assez bien.

Nous ne voulons pas plus de vos experts et de leur expertise. Décider quelle vie nous voulons n'est pas un problème technique, mais politique. Nous n'avons que faire de vos mesures d'exposition aux champs électromagnétiques, de vos dispositifs d'anonymisation des données, de vos études, de vos normes et de vos seuils. Nous ne voulons ni d'un compteur connecté sain, ni d'un compteur connecté discret. Nous ne voulons pas plus de compteur connecté que de quincaillerie connectée dans nos maisons, de ville « intelligente » ou d'une existence pilotée par le « big data ».
Nous sommes les experts de nos propres vies. Nous contestons à l'Etat le droit de nous imposer un objet connecté chez nous, de nous forcer à vivre dans des « smart cities » déshumanisées et automatisées, de faire de nos données une marchandise - de rendre impossible notre vie humaine.

Pour tous ces motifs, Madame Bouchardon, nous poursuivrons notre mouvement de refus avec la persévérance que les parlementaires lui reconnaissent. Nous élargirons et approfondirons notre réflexion et notre critique, avec les habitants de nos métropoles et de nos villages. Nous prenons bonne note de l'inquiétude des élus, et nous nous emploierons à la justifier toujours plus, à notre manière : libre et humaine.


Pièces et main d'œuvre
Grenoble, le 8 décembre 2017

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1007




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Christophe Lèguevaques


Avocat au barreau de Paris - Docteur en droit


PARIS

82 rue d’Hauteville - 75010 Paris
Métro 8/9 Bonne Nouvelle


TOULOUSE

76 allées Jean-Jaurès - 31000 Toulouse
Métro Jean-Jaurès ou Marengo


Christophe Lèguevaques est membre-fondateur de METIS-AVOCATS AARPII - Association d’Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle Inter-barreaux


Tél. +33 (0)5 62 30 91 52


Fax. +33 (0)5 61 22 43 80