Christophe Leguevaques Avocat barreau Paris-Toulouse
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Interview de Christophe Lèguevaques pour MIEUX VIVRE VOTRE ARGENT


Un réseau d'avocats met à disposition des emprunteurs une plateforme pour analyser en ligne leur contrat de prêt immobilier et déterminer s'il a été calculé sur la base d'une année lombarde. Une méthode illégale contre laquelle il entend mener une procédure collective contre les banques après avoir réuni un maximum de participants.



Plus d'un million de prêts immobiliers seraient hors la loi en raison d'intérêts calculés par les banques sur la base d'une année lombarde, une pratique jugée illégale à plusieurs reprises par la Cour de cassation. Ce qui n'a pas dissuadé les banquiers de l'abandonner... D'où l'idée d'un réseau d'avocats basés partout en France de regrouper les dossiers des emprunteurs lésés sur MySmartCab.fr, la plate-forme d'actions collectives qu'ils ont créée. Me Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris à l'origine de l'initiative, explique les tenants et les aboutissants de l'opération "Stop la lombarde !" et pourquoi elle peut rapporter gros aux emprunteurs concernés.  

L'Express-VotreArgent. Un crédit immobilier calculé sur une "année lombarde", qu'est-ce que cela signifie ? 
Me Christophe Lèguevaques. L'année lombarde est une pratique moyenâgeuse qui date du temps où les banquiers comptaient avec un boulier. Pour eux, il était plus simple de calculer les intérêts d'un prêt sur une année de 360 jours plutôt que 365. Ce qui, mine de rien, leur permettait de grappiller un peu d'argent sur chaque dossier, surtout qu'à l'époque les taux d'intérêt étaient de 250 % par an. Si ces taux usuraires n'existent plus, la pratique de l'année lombarde a perduré jusqu'à nos jours. Mais, depuis 1998, une directive européenne, intégrée depuis au droit français dans le Code de la consommation, protège les consommateurs et précise que les intérêts doivent être calculés sur une année civile de 365 jours. De plus, la Cour de cassation, de manière systématique, a rappelé qu'une banque est dans l'illégalité si elle persiste à calculer les taux de cette manière, qu'il y ait ou pas un préjudice pour l'emprunteur.  

Quel est l'intérêt pour un emprunteur de participer à votre action collective ?  
En cas de condamnation de la banque par la justice, le taux d'intérêt du contrat signé est annulé. A sa place est appliqué le taux d'intérêt légal, bien inférieur aux taux du marché, sur toute la durée du prêt ! Prenons l'exemple d'un particulier qui a emprunté 200 000 euros en 2011 sur 20 ans et au taux contractuel de 4%. Le taux d'intérêt légal en 2011 était de 0,39 %. Le taux de 4% va disparaître pour être remplacé par 0,39% sur 20 ans. Au total, cet emprunteur peut espérer récupérer plus de 80 000 euros au terme de la procédure. Entre 1 et 2 millions de contrats de prêts sont concernés. Néanmoins, s'engager dans notre aventure ne veut pas dire que chaque dossier finira forcément devant les tribunaux. Un phase de négociation directe avec les banques est prévue, l'emprunteur restant libre d'accepter à n'importe quel moment un accord amiable.  
 

Les établissements utilisant ce mode de calcul sont-ils nombreux ?  
On estime qu'entre 2006 et 2015, jusqu'à 60% des banques pratiquaient l'année lombarde volontairement. En droit, cela s'appelle une faute lucrative. C'est comme si une marque de soda décidait de remplir ses bouteilles d'1 litre avec seulement 99 cl de produit. Pour le consommateur, la différence est imperceptible et le préjudice minime, mais pour le fabricant, au regard des milliards de bouteilles vendues chaque année, ça représente des sommes colossales.  

Pour les prêts immobiliers, c'est la même chose : chaque année, entre 600 000 et 900 000 crédits sont signés. Si les banques grappillent 50 à 100 euros par an et par dossier, ça ne représente pas grand-chose pour l'emprunteur, mais des centaines de millions d'euros pour elles. Pour les établissements, c'est un risque calculé : en grossissant le chiffre, elles se disent que sur 1 million de contrats, il n'y aura que 1000 contentieux, et qu'elles n'en perdront que la moitié. Mais imaginez si un million de procédures contre l'année lombarde étaient lancées. Les banques seraient alors grandement fragilisées. Elles se retrouveraient face à un risque systémique qu'elles auront créé. 

Comment les emprunteurs peuvent-ils savoir si leur prêt a été calculé avec une année lombarde ?  
Après des décisions de la Cour de cassation en leur défaveur, les banques ont décidé de ne plus inscrire noir sur blanc dans leurs contrats que les intérêts sont calculés sur 360 jours. En revanche, ils ont caché l'information dans les tableaux d'amortissement. Ces derniers nécessitent donc une vérification par un expert. Pour savoir s'ils sont concernés, nous proposons donc aux emprunteurs de faire examiner leur contrat par un mathématicien financier (actuaire) en s'inscrivant sur MySmartCab.fr. 

Tous les prêts calculés sur 360 jours peuvent-ils faire l'objet d'une procédure ? 
Dans ce dossier, la prescription est de 5 ans à compter de la découverte du vice. Il existe donc deux possibilités. S'il est clairement précisé dans le contrat de prêt que le calcul est fait sur 360 jours, la date de signature du contrat constitue le point de départ du délai de prescription. Dans ce cas, les contrats éligibles doivent avoir été signés après 2011. En revanche, si rien n'est mentionné dans le contrat et que "l'année lombarde" se cache dans le tableau d'amortissement, le délai commence à courir à compter du rapport d'expert prouvant les calculs sur la base d'une année lombarde. Point intéressant, ce dernier cas concerne donc aussi les emprunteurs ayant terminé le remboursement de leur prêt.  

La procédure n'est pas gratuite. Quels montants les emprunteurs intéressés devront-ils mobiliser s'ils souhaitent participer à l'action conjointe ? 
D'abord, la vérification du contrat est gratuite. Lors de l'inscription sur la MySmartCab.fr, l'emprunteur devra toutefois accepter un prépaiement de 600 euros qui ne sera pas débité. Une fois l'analyse du contrat réalisée, si l'on constate que le prêt n'est pas soumis à l'année lombarde, le prépaiement est annulé, cette vérification est donc indolore financièrement.  

En revanche, si le contrat de prêt immobilier est éligible à l'action conjointe, l'emprunteur - qui sera mis en relation avec un des avocats proche de chez lui et qui l'accompagnera durant toute la durée de la procédure - les 600 euros seront débités. Cette somme représente une partie des 1800 euros d'honoraires TTC à prévoir dans le cadre de la procédure (600 euros seront ensuite prélevés à l'issue de la période d'inscription, puis 600 euros lorsque la procédure sera lancée). Toutefois, si le nombre de participants est supérieur à 1500, ces honoraires seront abaissés à 1200 euros. Par ailleurs, des frais annexes sont aussi à prévoir (frais de procédure, d'huissiers...) ainsi que des honoraires de résultat ( 15%, plafonnés à 10 000 euros hors taxes) appliqués sur les montants récupérés à l'issue de la procédure.  

 

Combien de dossiers espérez-vous regrouper ?  
Notre objectif est de réunir au moins 1000 dossiers d'ici au 15 décembre prochain, date de clôture des inscriptions, afin d'être en mesure de pouvoir peser face aux banques. Ensuite, notre action se traduira dans un premier temps par une phase de négociation directe avec les établissements, puis nous passerons à l'étape judiciaire si les discussions n'aboutissent pas.  

Et par la suite, quel avenir pour MySmartCab.fr ? 
Les honoraires de résultats perçus à l'issue de ce premier dossier nous permettrons de constituer une cagnotte afin de mener des actions collectives citoyennes, des combats judiciaires de plusieurs années, par exemple pour défendre les victimes des pesticides. Vous allez me dire "vous vous la jouez à l'américaine" ! Oui, et nous assumons ! Car les actions collectives sont un excellent moyen de faire en sorte que l'équilibre soit rétabli alors que le rapport de force penche clairement aujourd'hui du côté des lobbies des grandes entreprises, au détriment des citoyens.  





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Christophe Lèguevaques


Avocat au barreau de Paris - Docteur en droit


PARIS

82 rue d’Hauteville - 75010 Paris
Métro 8/9 Bonne Nouvelle


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Christophe Lèguevaques est membre-fondateur de METIS-AVOCATS AARPII - Association d’Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle Inter-barreaux


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