Christophe Leguevaques Avocat barreau Paris-Toulouse
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Nullité de la clause de rétrocession d’électricité contenue dans un bail commercial


La loi du 18 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz a institué au profit d'EDF un monopole de la distribution d'énergie électrique en France et ce monopole d'EDF sur la distribution d'énergie électrique en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution a été confirmé par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

L'interdiction de rétrocession d'énergie électrique qui se définit comme toute fourniture d'énergie par un client à un tiers que ce soit à titre gratuit ou onéreux et qui constitue donc une opération de distribution privée, est contraire au monopole de la distribution existant au profit d'EDF.
Les clauses en cause sont donc illicites en ce qu'elle viole un texte d'ordre public économique instaurant le monopole de distribution d'EDF en organisant la rétrocession par Giat à Emitech de l'énergie électrique que lui fournit EDF.


Il sera donc fait droit à la demande de voir prononcer la nullité des clauses contractuelles .



Cour d'appel  Versailles (12ème Chambre) - 19 Juin 2012, RG N° 11/00158
SA EMITECH c./ SA GIAT INDUSTRIES
arrêt commenté notamment par Me Michael NEUMAN.
 
ENTRE 
SA EMITECH, RCS VERSAILLES 344 545 645, ayant son siège [...], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
 
Ayant pour avocat postulant : la SCP BOMMART-MINAULT, avocats au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00039297
 
Ayant pour avocat plaidant : Me Christophe LEGUEVAQUES, avocat au barreau de PARIS (B.0494).

 
APPELANTE
 
****************
 
SA GIAT INDUSTRIES ayant son siège [...][...], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
 
Ayant pour avocat postulant : la SCP DEBRAY CHEMIN, avocats au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 11000156
 
Ayant pour avocat plaidant : Me Patrice GRENIER, avocat au PARIS.

 
INTIMEE
 
****************
 
Composition de la cour :
 
En application des dispositions de l' article 786 du code de procédure civile , l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Avril 2012 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller chargé du rapport.
 
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
 
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
 
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
 


FAITS ET PROCÉDURE
 
Par acte reçu le 13 octobre 1999 par Me Bonduelle, Notaire, la société Giat Industries a donné à bail commercial à la société Emitech des locaux situés à [...], constitués d'un ensemble bâti n°147 comprenant deux bâtiments mitoyens communiquant entre eux et un terrain attenant à usage de parkings le tout d'une surface d'environ 4.315 m2.
 
En vertu de l'article 8 2°/ du bail, le preneur doit en sus du loyer, rembourser au bailleur ' sa consommation d'électricité sur la base d'un forfait de 205 000 francs (31 252,05 euro) HT par an, tant que le bailleur n'aura pas installé à ses frais, un compteur individuel puis, dans cette hypothèse, selon la consommation réelle sur la base du tarif pratiqué par EDF'.
 
Par acte en date du 21 mars 2000 contenant avenant au bail de 1999, la société Giat Industries a consenti au preneur un bail sur d'autres biens, en l'espèce, un bâtiment portant le numéro 146 et un terrain attenant à usage de parking d'une surface de 8.850 m2.
 
Aux termes de l'article 8 2°/ de cet acte, le preneur remboursera au bailleur sa consommation d'électricité sur la base d'un forfait de 210 300 francs (32 060,03 euro) HT par an tant que le bailleur n'aura pas installé à ses frais, un compteur individuel puis, dans cette hypothèse, selon la consommation réelle sur la base du tarif pratiqué par EDF .
 
Par courrier en date du 7 décembre 2005 la société Giat Industries a informé la société Emitech qu'elle transférait dès à présent les charges réelles d'alimentation électrique dédiées à ses activités sur la base d'un abonnement EDF n°211 02515 16284 00 00, en précisant à titre indicatif que le montant annuel de l'année 2004/2005 s'élève à environ 165 000 euro.
 
La société Emitech a contesté ce procédé dès janvier 2006 en faisant observer qu'il n'y avait pas d'abonnement qui aurait été mis à son nom conformément à la clause du bail et n'a pas honoré les factures émises par la société Giat Industries au titre des consommations d'électricité.
 
Un procès-verbal de constat a été dressé le 16 octobre 2007 par huissier de justice au contradictoire de la société Emitech représentée par deux personnes.
 
La société Giat Industries a fait délivrer à Emitech un commandement de payer le 20 mars 2008 pour la somme de 277.866,51 euro correspondant aux "factures EDF impayées au 13.03.2008" que celle-ci a réglées.
 
Néanmoins, par acte d'huissier en date du 27 mai 2008 la société Emitech a attrait devant le tribunal de grande instance de Versailles la société Giat Industries et dans le dernier état de ses écritures signifiées le 23 février 2009, elle demandait, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, de déclarer nul le commandement de payer délivré le 20 mars 2008 par la société Giat Industries, dire qu'elle n'était pas redevable de la somme de 277 866,51 euro et en conséquence, condamner la société Giat Industries à lui rembourser cette somme.
 
Par jugement rendu le 16 novembre 2010, le tribunal a :
 
- dit que la société Emitech est redevable envers la société Giat Industries, au titre des sommes réclamées dans le commandement en date du 20 mars 2008 de la somme de 123 933,78 euro TTC,
 
- condamné la société Emitech à payer à la société Giat Industries la somme de 102 295,89 euro HT au titre de la consommation d'électricité pour l'année 2008 et du premier trimestre 2009,
 
- rejeté le surplus des demandes,
 
- ordonné l'exécution provisoire,
 
- condamné la société Emitech à payer à la société Giat Industries la somme de 1 000 euro sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .
 
La société Emitech a relevé appel de ce jugement.
 
Par dernières conclusions signifiées le 19 août 2011, elle demande à la cour de réformer le jugement et statuant à nouveau, dire que les clauses contractuelles relatives à la refacturation de l'électricité sont nulles et de nul effet et en conséquence condamner la société Giat Industries à lui rembourser 1.102.780,54 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation des intérêts, la dispenser de payer les sommes réclamées directement ou indirectement et notamment la somme de 462.163,96 euro arrêtée au 30 janvier 2011, subsidiairement, dire qu'elle ne saurait payer au-delà du forfait, très subsidiairement, dire qu'elle ne saurait être tenue au remboursement de consommations réelles qu'à compter du 16 octobre 2007, à l'exclusion de toute refacturation des frais de location d'un ou plusieurs postes d'alimentation électrique, en tout état de cause, de condamner la société Giat Industries à l'indemniser de ses préjudices et à lui payer :
 
- 29.900 euro TTC à raison de la perte d'une chance de renégocier le tarif EDF,
 
- 157.440 euro TTC au titre de l'obligation d'installation d'amplificateur de puissance,
 
- 50.000 euro pour procédure abusive,
 
- 10.000 euro au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
 
Par dernières conclusions signifiées le 23 mai 2011, la société Giat Industries demande à la cour de confirmer le jugement sauf à préciser que la somme de 123 933,78 euro est une somme HT et que la société Emitech est donc redevable d'une somme de 142.224,80 euro TTC au titre des causes du commandement de payer du 20 mars 2008, subsidiairement l'autoriser à résilier le contrat d'alimentation desservant le poste Emitech et à cesser toute alimentation dans les 15 jours de l'arrêt à intervenir, condamner Emitech à lui payer une indemnité de 15.000 euro au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
 
Par arrêt en date du 15 novembre 2011, la cour a ordonné une médiation et renvoyé l'affaire après médiation à l'audience du 12 avril 2012.
 
La médiation n'ayant pas abouti, les parties ont été entendues en leur plaidoiries à cette audience.
 
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l' article 455 du code de procédure civile .
 
SUR CE, LA COUR :
 
Sur les demandes en paiement de Giat Industries
 
En substance, Emitech soutient à l'appui de son appel pour contester être redevable des sommes réclamées par Giat au titre de la facturation de sa consommation électrique, que contrairement à ce qu'a écrit Giat dans son courrier du 7 décembre 2005, elle n'a pas transféré à son nom le contrat d'EDF, qu' elle s'est contentée de lui transférer les charges réelles d'alimentation électrique et qu'il s'agit donc d'une rétrocession d'énergie.
 
Elle fait valoir que Giat ne lui a jamais permis de vérifier l'existence du compteur individuel, que les relevés de compteur se font dans la clandestinité, sans qu'elle soit en mesure d'en contrôler contradictoirement la cohérence, que Giat succombe dans la démonstration de la preuve de l'existence d'un compteur individuel et d'un contrat entre EDF et Emitech.
 
A titre principal, elle conclut à la nullité des dispositions contractuelles relatives à la rétrocession d'électricité par Giat à Emitech contraires aux dispositions d'ordre public de la loi n°2000/108 du 10 février 2000 qui réaffirment le monopole d'EDF sur la distribution d'électricité et l'interdiction de rétrocession d'énergie électrique. Elle fait valoir qu'en l'espèce, Giat ne peut se prévaloir d'aucune autorisation d'EDF. Emitech considère donc que toutes les sommes qu'elle a payées au titre de la rétrocession en violation d'un texte d'ordre public économique doivent être remboursées.
 
A titre subsidiaire, Emitech soutient que le contrat ne prévoit aucune prise en charge des frais de location du poste d'alimentation, qu'en ce qui concerne la refacturation réelle, Giat est dans l'impossibilité avant le 16 octobre 2007, date du constat, de démontrer que le poste de transformation était exclusivement affecté à l'activité d'Emitech et après cette date, de démontrer qu'il existe un compteur électrique individuel permettant à Emitech de contrôler sa consommation. Elle considère que Giat est dans l'impossibilité d'apporter la preuve de l'existence et du quantum de sa créance.
 
Emitech répond par ailleurs que le principe de concentration des moyens prive Giat du développement d'un moyen nouveau en cause d'appel relatif à l'enrichissement sans cause et que Giat renverse la charge de la preuve. Elle demande en tout état de cause la réparation des préjudices subis du fait du comportement de Giat.
 
En réponse, Giat soutient qu'il résulte clairement du courrier, non contesté, du 21 septembre 2007 qu'elle a fait constater de manière contradictoire que le compteur individuel mis en place ne dessert que la société Emitech à l'exclusion de tout autre utilisateur, que s'agissant de la pose d'un compteur individuel à son usage exclusif ou de la soi-disant interdiction faite par EDF de rétrocéder l'énergie à un tiers, la société Emitech ne dispose d'aucune qualité pour faire valoir cet argument, une telle interdiction à la supposer établie ne pouvant avoir d'effet qu'entre Giat et un tiers, la société EDF, qu'au surplus, en stipulant dans les deux avenants à la convention Emeraude que Giat serait destinataire de la facture alors que le lieu de consommation est bien précisé comme étant la société Emitech, la société EDF a nécessairement autorisé et contractualisé la rétrocession d'énergie par Giat à Emitech.
 
Giat fait également valoir que s'agissant du choix du fournisseur ou du tarif heures pleines/heures creuses, Emitech ne peut remettre en cause les clauses claires et précises de ses engagements pris dans le cadre des baux notariés, qu'elle ne peut donc s'arroger plus de droit que ne lui en confère le contrat de bail en cherchant à remettre en cause l'identité du fournisseur pourtant clairement mentionné dans le bail ainsi que sur le choix des tarifs qui ressortent du choix unilatéral du bailleur.
 
Giat précise que si elle l'estime utile, rien n'interdit à la société Emitech de faire aménager sa propre déserte en électricité auprès d'un autre fournisseur qu'EDF à ses propres frais.
 
Giat considère donc que l'argument soulevé par Emitech quant à l'absence d'autorisation par EDF de la rétrocession est totalement erroné en fait aussi bien que celui concernant l'absence d'accord sur les tarifs choisis par Giat dans son approvisionnement auprès d'EDF.
 
Elle soutient encore qu'elle apporte la preuve des consommations électriques de la société Emitech ; elle admet que le bail ne met pas à la charge du preneur la location du poste d'alimentation comme l'ont retenu les premiers juges.
 
En dernier lieu répondant aux moyens de la société Emitech, elle prétend que celle-ci est de parfaite mauvaise foi et rappelle que c'est face au refus de la société Emitech qui comptait faire perdurer pendant des années une situation de forfait qui générait un enrichissement sans cause qu'est intervenu le compteur individualisé et qu'il est évidemment loisible à la société Emitech de se rapprocher d'EDF pour avoir une alimentation directe totalement indépendante de son bailleur.
 
*
 
A titre principal, Emitech conclut à la nullité des clauses des baux en date des 13 octobre 1999 et 21 mars 2000.
 
La loi du 18 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz a institué au profit d'EDF un monopole de la distribution d'énergie électrique en France et ce monopole d'EDF sur la distribution d'énergie électrique en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution a été confirmé par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
 
L'interdiction de rétrocession d'énergie électrique qui se définit comme toute fourniture d'énergie par un client à un tiers que ce soit à titre gratuit ou onéreux et qui constitue donc une opération de distribution privée, est contraire au monopole de la distribution existant au profit d'EDF.
 
Il est établi que cette interdiction figure à l'article 24 du modèle du cahier des charges de concession pour le service public du développement et de l'exploitation du réseau de distribution d'électricité et de la fourniture d'énergie électrique aux tarifs réglementés et qu'elle est reprise dans les conditions générales du contrat Emeraude d'EDF, pour la fourniture d'énergie électrique au tarif vert, à l'article premier : « L'énergie fournie par EDF est utilisée par le client exclusivement pour les besoins de ses installations. Elle ne peut être rétrocédée à des tiers sans autorisation écrite d'EDF.»
 
Il n'est pas discuté par Giat, même si elle ne verse pas aux débats le contrat n°16284 la liant à EDF, que celui-ci est soumis à ces conditions générales puisque les deux avenants n° 001 du 7 juillet 2005 et n°002 du 18 mai 2006 à ce contrat, contenant conditions particulières, sont expressément des avenants au contrat Emeraude pour la fourniture d'énergie électrique au tarif vert A5.
 
Or, chacun des baux conclus entre Giat et Emitech contient en son article 8 2°/ , la stipulation suivante relative à la consommation d'électricité d'Emitech : sa consommation d'électricité sur la base d'un forfait de 205 000 francs HT par an, tant que le bailleur n'aura pas installé à ses frais, un compteur individuel puis, dans cette hypothèse, selon la consommation réelle sur la base du tarif pratiqué par EDF .
 
Cette clause qui prévoit, après l'installation par le bailleur à ses frais d'un compteur individuel, le remboursement par le preneur au bailleur de sa consommation réelle d'électricité sur la base du tarif pratiqué par EDF constitue une rétrocession d'électricité prohibée.
 
Contrairement à ce que soutient Giat , Emitech est fondée à invoquer à l'appui de sa demande de nullité des clauses des baux précitées, l'interdiction de la rétrocession de l'énergie électrique fournie par EDF dont le fondement juridique réside dans les dispositions d'ordre public instituant le monopole d'EDF, interdiction qui figure expressément dans les conditions générales du contrat Emeraude passé entre EDF et Giat.
 
Cette interdiction de rétrocession de l'énergie n'est pas au demeurant édictée au seul bénéfice d'EDF pour protéger son monopole mais également au profit des tiers aux contrats passés entre EDF et ses clients, qui peuvent se voir priver, par le biais d'une rétrocession d'électricité prohibée figurant dans une convention les liant avec un des clients, de la faculté d'avoir un accès direct à la fourniture d'énergie à un tarif librement négocié avec EDF.
 
En l'espèce, il résulte d'ailleurs des pièces produites qu' Emitech a sollicité par plusieurs courriers adressés à Giat la possibilité de voir établir un abonnement EDF à son nom et a sollicité des réunions contradictoires en présence d'EDF, ce que Giat a refusé notamment par ses courriers des 6 février 2006 et 7 juin 2007, ayant laissé sans réponse les demandes postérieures d'Emitech. Giat ne démontre pas qu'Emitech aurait refusé l'installation d'un abonnement électrique à son nom ou même seulement d'un compteur électrique individualisé.
 
Les clauses en cause sont donc illicites en ce qu'elle viole un texte d'ordre public économique instaurant le monopole de distribution d'EDF en organisant la rétrocession par Giat à Emitech de l'énergie électrique que lui fournit EDF.
 
Giat prétend qu'elle aurait obtenu l'accord d'EDF pour cette rétrocession telle que l'y autorisent les conditions générales du contrat Emeraude. Cependant, contrairement à ce qu'elle soutient, les deux avenants qu'elle verse aux débats n'apportent pas la preuve d'un accord donné par EDF.
 
En effet, alors que ces deux avenants sont établis au nom de Giat Industries figurant comme client et destinataire de la facture, ayant comme adresse [...], il ne peut être déduit de la seule indication des nom et adresse du lieu de consommation mentionnés comme suit "Giat Industries Emitech [...]", qui ne désignent que le lieu de livraison de la fourniture d'électricité, que Giat aurait sollicité l'autorisation auprès d'EDF de rétrocéder de l'électricité à un tiers au contrat de fourniture d'électricité, nommément désigné comme tel, à savoir Emitech, et encore moins qu'EDF aurait donné son accord à la rétrocession.
 
Il sera donc fait droit à la demande d'Emitech de voir prononcer la nullité des clauses contractuelles figurant aux articles 8 2°/ des baux conclus par actes des 13 octobre 1999 et 21 mars 2000.
 
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé et Giat doit être déboutée de ses demandes en paiement relatives au montant des factures EDF dont elle soutient qu'il s'agit des consommations réelles d'électricité d'Emitech et pour lesquelles elle produit à l'appui de ses prétentions, les propres factures qu'elle a émises envers Emitech, reprenant la consommation relevée par EDF et le tarif appliqué par EDF.
 
Il sera fait droit en revanche à la demande subsidiaire de Giat d'être autorisée à cesser toute alimentation du locataire en électricité, Giat ne pouvant être contrainte de maintenir la situation prohibée, et ce dans le délai de quinze jours de la signification de l'arrêt.
 
Sur les demandes de la société Emitech
 
Emitech sollicite en premier lieu d'être remboursée des sommes payées en application des clauses nulles s'élevant à la somme de 1.102.780,54 euro TTC et d'être dispensée du paiement des sommes réclamées directement ou indirectement à ce titre, soit la somme de 462.163,96 euro.
 
Giat n'oppose aucun moyen en réponse à ces demandes et si Emitech conclut à l'irrecevabilité d'une prétention de Giat portant sur l'enrichissement sans cause, les conclusions de Giat ne contiennent aucune demande à son profit au titre de l'enrichissement sans cause.
 
La nullité des clauses contractuelles de rétrocession d'électricité emporte l'obligation pour Giat de rembourser les sommes payées par Emitech depuis l'origine ; la nullité prononcée suffit en outre à priver Giat du droit de poursuivre le paiement de sommes de ce chef sans qu'il y ait lieu de prononcer au profit d'Emitech une dispense d'avoir à payer des sommes qu'elle n'a pas réglées.
 
La somme de 1.102.780,54 euro TTC portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et il sera fait application de l' article 1154 du code civil .
 
Emitech demande à être indemnisée du préjudice subi du fait de la perte de chance de négocier le contrat avec EDF et de réaliser des économies mais obtenant le remboursement de toutes les sommes qu'elle a payées, elle ne justifie d'aucun préjudice du fait d'une perte de chance, pas plus qu'au titre de pertes financières qu'elle mentionne pour mémoire.
 
Emitech n'établit pas le lien de causalité entre le comportement reproché à Giat et l'installation des amplificateurs de puissance. Elle sera déboutée de cette demande.
 
Emitech sera également déboutée de sa demande au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive alors que le premier juge avait fait droit aux réclamations de Giat en première instance et qu'elle ne justifie pas d'un préjudice particulier résultant de la mauvaise foi de la bailleresse, n'établissant pas que le comportement de celle-ci aurait été guidé comme elle le prétend par la volonté de l'évincer du site pour réaliser une plus-value immobilière.
 
Sur les dépens et l' article 700 du code de procédure civile
 
Les dépens seront à la charge de Giat qui succombe.
 
L'équité commande de la condamner à payer à Emitech une indemnité de 7.000 euro au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
 

PAR CES MOTIFS
 
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
 
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
 
Statuant à nouveau,
 
Déclare nulles et de nul effet les clauses contractuelles figurant aux articles 8 2°/ des actes des 13 octobre 1999 et 21 mars 2000 relatives à la rétrocession de l'électricité par la société Giat Industries à la société Emitech.
 
Condamne en conséquence la société Giat Industries à rembourser à la Emitech la somme de 1.102.780,54 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l' article 1154 du code civil dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière.
 
Autorise la société Giat Industries à cesser toute alimentation de la société Emitech en électricité, et ce dans le délai de quinze jours de la signification de l'arrêt.
 
Déboute la société Giat Industries de ses demandes en paiement.
 
Déboute la société Emitech du surplus de ses demandes.
 
Y ajoutant,
 
Condamne la société Giat Industries aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile .
 
La condamne à payer à la société Emitech une indemnité de 7.000 euro au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
 
La déboute de sa demande au même titre.
 
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du code de procédure civile .
 

- signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Présidente et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
Le GREFFIER, La PRESIDENTE,





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Christophe Lèguevaques


Avocat au barreau de Paris - Docteur en droit


PARIS

82 rue d’Hauteville - 75010 Paris
Métro 8/9 Bonne Nouvelle


TOULOUSE

76 allées Jean-Jaurès - 31000 Toulouse
Métro Jean-Jaurès ou Marengo


Christophe Lèguevaques est membre-fondateur de METIS-AVOCATS AARPII - Association d’Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle Inter-barreaux


Tél. +33 (0)5 62 30 91 52


Fax. +33 (0)5 61 22 43 80